Un cas d’école : Alstom

Publié le par André Chassaigne

 Quel avenir pour Alstom, le géant français de l’énergie et des transports ? Les 93 000 salariés du groupe, dont 18 000 en France, se demandent à quelle sauce ils vont être mangés. Au cœur de la campagne des élections européennes, cette affaire révèle d’abord les objectifs de la politique économique de l’Union européenne, et notamment de sa politique énergétique qui se limite à la libéralisation du marché de l’énergie. Alstom, qui fabrique des TGV, des rames de métro, des éoliennes et des turbines pour les centrales nucléaires, dépend essentiellement des commandes publiques, et subit donc de plein fouet la baisse des investissements publics, conséquence de la politique d’austérité imposée par la commission européenne et docilement mise en œuvre par les Etats.

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 Cette affaire est également révélatrice de l’absence de politique industrielle en France. C’est encore un fleuron de l’industrie française qui est démantelé et bradé. Et ce n’est pas la modification du décret soumettant certains investissements étrangers en France à l’autorisation préalable de l’Etat qui pourra tenir lieu de politique industrielle. Une politique industrielle ne se limite pas aux rodomontades du « patriotisme économique » ! Dans le domaine du transport et de l’énergie, mettre en œuvre une transition écologique exige de faire travailler ensemble la SNCF, Alstom, Areva, EDF et GDF-Suez, avec une puissance publique occupant dans ces grands groupes nationaux une position prédominante. C’est pourquoi l’Etat doit cesser de n’être qu’un spectateur, d’autant plus bruyant qu’il est impuissant.

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 Mais le rachat d’Alstom par Général Electric aurait aussi des conséquences pour nos relations commerciales et la protection de nos accords industriels antérieurs. Ce serait une nouvelle atteinte à la souveraineté de la France dans la défense de ses intérêts. Prenons pour exemple nos relations avec Cuba où l’entreprise française Alstom est implantée, assurant environ un tiers de la production électrique du pays. Alstom a apporté sa technologie et son ingénierie dans l’installation de centrales thermiques dont elle assure le fonctionnement et la maintenance. Or, la reprise de la branche énergie par l’américain Général Electric aurait pour conséquence l’interruption immédiate du partenariat de l’entreprise avec Cuba, par simple application du blocus américain. L’embargo doit en effet être appliqué par toute entreprise américaine et à toute entreprise dont au moins 10 % des composants sont américains. Au-delà des graves conséquences pour l’économie cubaine, ce retrait aurait aussi un coût pour notre pays avec l’interruption par Alstom de la fourniture des pièces nécessaires à la maintenance et l’arrêt d’un partenariat industriel en plein développement.

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 Il est indispensable de décider, tout de suite, de suspendre l'opération engagée sur Alstom et d'ouvrir une grande concertation publique. Elle pourrait viser une appropriation sociale du groupe, bien au-delà de ce que l'on entend traditionnellement par nationalisation, avec l'ouverture du capital à des participations de l’État, mais aussi à des grands clients publics du groupe (EDF, SNCF, RATP), ainsi que l'octroi aux organisations représentatives des salariés du groupe de pouvoirs décisionnels d'intervention sur les choix stratégique et de gestion. Il est grand temps de transformer les relations du groupe à la France, à l’Europe et au monde.

 

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