L’austérité jusqu’à affamer

Publié le par André Chassaigne

 Décidemment, le prix Nobel de la Paix décerné à la Commission européenne aura un goût bien amer pour ceux qui vivent sous le règne de sa politique. Une nouvelle fois, ses zélés commissaires montent au créneau pour entériner, dès le 23 novembre prochain lors d’un conseil européen, la suppression du programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD). Cette suppression avait été envisagée en 2011, mais repoussée à 2014. Pour tous ceux qui n’arrivent plus à se nourrir en Europe, faute d’emplois stables, de salaires décents, et de couverture sociale, c’est la double peine. Non seulement la Commission leur impose l’austérité à vie avec le traité budgétaire européen, mais elle décide aussi de leur couper l’aide alimentaire issue des fonds de la politique agricole commune.

 Comme l'affirmaient ensemble, il y a quelques jours, les présidents des associations caritatives, cette remise en cause de l'aide alimentaire intervient « au moment où l'Europe en a le plus besoin ». Selon leurs estimations, ce sont « 18 millions d’Européens, dont 4 millions de Français, qui n’ont plus les moyens de manger toute l’année. Ne pas prolonger le PEAD, qui coûte seulement 1 euro par citoyen et par an, serait injuste, inhumain et ridicule ».

 Si le ridicule ne tue pas, la faim, elle, menace bel et bien les ventres des Européens. Que ce soit en Grèce, en Espagne, au Portugal, et même dans les pays du Nord de l’Europe, l’explosion de la précarité entraîne l’explosion de la demande pour les associations qui gèrent l’aide alimentaire. Et les bénéficiaires viennent désormais de tous les horizons : jeunes sans emploi et sans ressources, chômeurs, salariés pauvres, femmes seules, retraités aux pensions insuffisantes…


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 Mais les commissaires européens ne se préoccupent pas des ventres ou plutôt, ils les sélectionnent. En service commandé pour la haute finance, leur ligne politique est claire : pour continuer à gaver les actionnaires, on affame les pauvres.

 Car les 480 millions d’euros d’aide aux plus démunis du budget européen ne sont rien au regard de l’océan des profits des multinationales européennes de l’agroalimentaire ou de la distribution. Ainsi le groupe suisse Nestlé, du cœur européen de son paradis fiscal, vient d’annoncer qu’il avait réalisé 4,2 milliards d’euros de bénéfice pour le seul premier semestre 2012. Les actionnaires de l’anglo-néerlandais Unilever, qui refuse toujours de céder sa marque L’Eléphant aux salariés de Fralib, en étaient presque à verser des larmes de crocodiles pour avoir vu le gâteau des six premiers mois de l’année 2012 se contracter un peu à 2,18 milliards d’euros. Quant à un de nos champions nationaux, Danone, il se contente pour ce premier semestre de 911 millions.

 Comme le réclament les associations françaises avec leur campagne contre la suppression du PEAD, la France doit d’abord refuser cette nouvelle hypocrisie. Mais elle doit aussi porter l’ambition d’un nouveau pacte alimentaire commun à tous les européens, en lien direct avec une politique agricole commune renouvelée. Comme le propose le Front de Gauche, cette politique doit agir sur plusieurs niveaux : l’augmentation des revenus disponibles, l’encadrement des prix des produits alimentaires, la création d’un véritable fonds d’alimentation populaire qui pourrait appuyer la reconstitution de vrais stocks alimentaires à la hauteur des besoins communautaires.

 Pour cela, c’est la politique d’austérité qu’il faut affamer.

 

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C
Il ne faut pas exagérer la malfaisance européenne, ce n'est qu'un re baptême d'une réalité déjà ancienne : PEAD Poussons l'Exploitation de l'Afrique Décharnée !
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